J'entends régulièrement : « Je n'ai aucun souvenir de mon enfance », « j'ai tout oublié. »
Pour écrire l'enfance, raconter l'enfant, peut-être faut-il renoncer au récit, à la chronologie et au temps. L'entrée dans le monde est expérience du corps : chaos de sensations agréables et désagréables, de la joie au désespoir en un claquement de doigts. Plus que l'inverse, c'est l'environnement qui sans cesse entre en nous de manière abrupte, désordonnée, folle. On est d'abord les autres, le monde que l'on sent, voit, touche, goûte, à chaque instant.
Timothy de Fombelle écrit, dans Neverland,
« Je n'ai pu d'abord que sentir le monde.
Le froid d'une vitre sur laquelle on écrase son nez, le bruit d'une scie lointaine, l'odeur du matin, le goût salé du bois de mon lit. Je sens, je regarde. Les fissures sur le plafond, la respiration du chien. J'écoute les voix de l'autre côté du mur. Je serre le drap dans mon poing. Une ombre bouge sur le rideau. Je retiens ma respiration pour mieux entendre.
L'enfant est une île. (…) »
Timothée de Fombelle, Neverland
Pourquoi, comment raconter et écrire l'enfance ? Où cette écriture nous mène-t-elle ?